25 janvier 2007

L’Univers n’est pas sourd: Pour un nouveau rapport sciences et foi

Par rbp

L’Univers n’est pas sourd:
Pour un nouveau rapport sciences et foi

Theobald Christoph, Saugier Bernard
Leroy Jean, le Maire Marc
& Grésillon Dominique

Paris Bayard 2006

Compte rendu de François-Xavier Nève[[François-Xavier Nève est docteur en linguistique. Il a étudié et enseigné dans des universités du monde entier, en Belgique, France, Grande-Breatagne, Canada,Algérie, Chine, île Maurice, Inde.]]

Ce livre répond magistralement à l’ouvrage du vivement regretté Jacques Monod (1910-1976) paru en 1970, Le Hasard et la Nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne (Paris : Seuil « Points ») :
S’il accepte ce message [celui de la Science] dans son entière signification, il faut bien que l’Homme enfin se réveille de son rêve millénaire pour découvrir sa totale solitude, son étrangeté radicale. Il sait maintenant que, comme un Tzigane, il est en marge de l’univers où il doit vivre. Univers sourd à sa musique, indifférent à ses espoirs comme à ses souffrances ou à ses crimes (c’est moi qui souligne).

Eh bien, non. Cette idée peut être contestée au nom de la raison. Avec la raison. Sinon par la science elle-même, pourvu qu’on la prenne tout entière. De sa source à ses constructions actuelles.

Présentation de l’ouvrage

La réponse de nos cinq auteurs est simple mais inattendue :

  1. La science actuelle, pas plus qu’aucune science dans le passé, n’a prouvé ni Dieu, ni son absence. Tout ce qu’elle montre, de mieux en mieux, est la façon dont l’univers, la vie, et l’homme, fonctionnent ; et ont fonctionné depuis 13 milliards 800 millions d’années.
    C’est la première partie du bouquin : « De l’univers et de la place qu’y occupe l’homme : des scientifiques s’interrogent » (pp. 21-191). Trois chapitres : « Le cosmos » ; « De la géosphère à la biosphère » ; « De l’homme à l’humanité ». L’univers est incroyablement compliqué, et « bien fait »… puisque toutes les conditions y étaient réunies dès sa première fraction de seconde pour que nous y naissions, sans le moindre doute possible précisément (… puisque nous y sommes).
    Que nous puissions le comprendre interroge déjà tout esprit. En outre, la science ne dit rien du pourquoi des choses. Pourquoi l’univers plutôt que rien ? Pourquoi la vie plutôt que l’inerte ? Pourquoi l’homme et sa conscience plutôt que de orties et des moules seulement ? Que devons-nous faire ? Que pouvons-nous espérer ?
  2. Ces dernières questions sont légitimes. Elles ne relèvent pas de la science. Le croire est une erreur. Y répondre au nom de son savoir scientifique est une erreur. On le montre en décortiquant quelques textes majeurs de la science d’hier et d’aujourd’hui, d’une brochette de savants aux opinions contradictoires (chrétienne, agnostique, athée, bouddhiste…) : « Le monde en question, des hommes s’interrogent sur le sens » (pp. 193-312). Deux chapitres : « Les sciences et la question du sens » ; « Les scientifiques et la question du sens ». Onze scientifiques : Isaac Newton (1642-1727), Albert Einstein (1879-1955), Werner Heisenberg (1901-1976), Claude Lévy-Strauss (né en 1908), Steven Weinberg (1933), Jacques Monod (1910-1976), François Jacob (1920), Pierre Teilhard de Chardin, sj (1881-1955), Fritjof Capra (1939), Trinh Xuan Thuan (né en 1948 — les auteurs indiquent 1936 !) et Bernard d’Espagnat (1925).
    La première partie du livre brillait par sa clarté. On voit que les cinq auteurs, qui poursuivent leurs recherches dans des domaines tout différents — Grésillon est physicien, le Maire biochimiste, Leroy atomiste, Saugier botaniste, Theobald théologien — ont tout récrit ensemble (aucun chapitre n’est signé) afin que tout soit accessible à tous. Pari gagné. La deuxième partie du livre est plus que claire : lumineuse, éclairante. A lire nos cinq as, on se sent malin. Bon signe !
  3. … Et puis vient la révélation : « La proposition chrétienne de sens ». Deux chapitres : « La tradition chrétienne, une tradition parmi d’autres », et « Le sens révélé ». Révélation dans tous les sens du terme ! On sortait éblouis du deuxième chapitre. Nous voilà ravis dans le dernier. L’exposition de la révélation chrétienne, du sens que la résurrection de Jésus propose à ceux qui font confiance à l’amour tout-puissant du créateur, est de loin la partie la plus originale et la plus formidable du bouquin.
    Je résume : « La foi juive — que les chrétiens lisent dans l’Ancien Testament — annonçait l’espérance en la victoire finale de Dieu, plus fort que le néant puisqu’il a créé l’univers, la vie et l’homme. Et cela constitue le sens, la raison d’être et le but de la Création. La vie, la mort et la résurrection de Jésus — racontées et commentées dans le Nouveau Testament — incarnent l’amour de Dieu : le Christ nous aime au point d’accepter de se faire l’un de nous et d’en mourir torturé. Croire à sa victoire finale sur le néant, et donc à la nôtre puisque l’amour créateur peut tout — ou que l’effusion amoureuse initiale de notre univers est toute-puissante, autre façon de dire la même chose… — propose à ceux qui l’acceptent un sens à la vie. Et un sens à leur vie. Rien n’y contraint. Tout le monde est libre.

Conclusion

L’univers n’est pas sourd est un grand livre. Un ouvrage original, bien informé dans des domaines étonnamment divers, d’un plan original et lumineux ; et engagé. Il insiste à maintes reprises sur la liberté qu’il faut laisser à chacun de trouver le sens qui lui paraît le vrai. Il invite à la réflexion, à la discussion. Cela est dû à sa clarté et à la force de ses vues et de ses convictions.

L’univers est-il absurde ? « Untel et Untel le pensent, et voici pourquoi ; attention, ici ils outrepassent le champ scientifique pour l’affirmer. Nous, nous estimons que la résurrection du Christ donne un sens plausible à toute l’affaire comme à nos vies. Y a-t-il bien plus précieux que cette espérance ? Veillons surtout, en informant des données et des enjeux, à respecter le choix de chacun ! »

Un bouquin à recommander vivement à tout le monde !