« De Jésus à Jésus en passant par Darwin », un livre de Christian de Duve
Extrait de De Jésus à Jésus en passant par Darwin de Christian de Duve aux éditions Odile Jacob (2011, 93 pages)
« Le sage dont notre monde a besoin a bel et bien existé. C’était il y a deux mille ans. Il se nomme Jésus. Son message reste d’une actualité brûlante.
Ce message annonce une nouvelle forme de rédemption qui correspond exactement à ce que notre vision darwinienne de la condition humaine recommande si nous voulons échapper aux conséquences fatales de la tache originelle imprimée dans nos gènes par la sélection naturelle.
Clercs et laïcs, croyants et libres-penseurs de toute obédience doivent chercher ensemble, au-delà de ce qui les divise et avec le concours du plus grand nombre possible de philosophes, de moralistes, de scientifiques et d’autres penseurs unis par l’honnêteté intellectuelle, un énoncé du message de Jésus adapté aux conditions actuelles.
C’est notre seul espoir si nous voulons tirer parti, d’une manière humaine et rationnelle, des moyens, préservés par la sélection naturelle, qui, paradoxalement, pourraient nous permettre de contrecarrer les conséquences délétères de celle-ci. » C. de D.
Compte-rendu de lecture, par François Barriquand
L’auteur aurait pu également intituler son ouvrage De Jésus-Christ à Jésus en passant par Darwin. Il s’y livre à une sorte d’autobiographie spirituelle décrivant les croyances catholiques de son enfance, les grandes lignes de son parcours de chercheur en biologie moléculaire, puis sa quête philosophique récente et sa « redécouverte » de Jésus.
Le livre est écrit dans un style vivant, sans longueur, très simple et très récréatif. Il ne faut pas s’attendre à y trouver beaucoup d’idées métaphysiques compliquées.
Parmi les souvenirs de son enfance, on pourra goûter particulièrement celui-ci : J’acceptais sans objection tous les préceptes de l’Eglise, que les jésuites avaient l’art d’étayer par une argumentation rigoureuse qui renforçait leur crédibilité. Ce que je ne discernais pas, c’est que leur dialectique reposait sur des prémisses gratuites, tenues pour vrai au départ sans la moindre preuve. (p.15)
Plus loin, dans la même veine, l’auteur écrit : Certaines autorités religieuses n’ont pas abandonné leur prétention à détenir la vérité suprême, allant même jusqu’à s’octroyer un brevet d’infaillibilité dans certaines matières. Elles continuent de s’arroger le droit de décréter des articles, dits « de foi », qui doivent être acceptés sans preuve, parfois même à l’encontre des données scientifiquement établies. (p.58). Le livre de Christian de Duve est-il donc un pamphlet anticatholique? En fin de compte, pas le moins du monde !
L’ouvrage comporte un paragraphe intitulé « une révélation » (pp. 53&59) qui comporte même quelques lignes pleines de fraîcheur ressemblant à s’y méprendre à une confession de foi. Une confession de foi… mais pas vraiment en Jésus-Christ, toutefois. Ne dévoilons pas tout, ici, de cette « révélation ». Laissons au lecteur curieux le plaisir de la surprise.
Pour donner quelque idée de la conviction centrale animant l’ensemble du livre, nous pouvons tout de même citer un extrait de la conclusion : [Les 7 millénaires qui ont précédé notre ère ont vu] l’avènement des premiers penseurs et guides spirituels dont l’enseignement est parvenu jusqu’à nous. Parmi ceux-ci, Jésus a été l’un des plus influents dans nos régions. C’est à son message que je fais un urgent appel aujourd’hui, mais dépouillé des contingences historiques, politiques, sociales et religieuses de son époque, ainsi que de tout l’habillage mythique construit autour de sa personne et du carcan doctrinal ou normatif dans lequel une autorité dogmatique l’a enfermé. […] Jésus […] connaissait la nature humaine et il a identifié correctement la faille dont celle-ci est affectée. S’élevant au-dessus de tout ce qui divise, il a prôné l’amour. Ce message, authentiquement salvateur dans la signification étymologique du terme, indique la voie que l’humanité doit adopter épigénétiquement… (pp 88&89)
Puisque Christian de Duve parle de message salvateur au sens étymologique du terme, on pourra peut-être qualifier son rapport à Jésus de… foi dans la signification étymologique du terme… une foi en un Jésus dépouillé de sa nature divine, de sa résurrection, de toutes ses guérisons et de tous ses miracles… mais un Jésus qui ne laisse pas de demeurer hautement sympathique tout de même.