7 octobre 2007
La science a-t-elle des implications métaphysiques? Cas du principe anthropique.
L’UIP nous signale que son site internet contient la vidéo d’un entretien avec Trinh Xuan Thuan intitulé «La science a des implications philosophiques et métaphysiques».
Finalisme et anthropocentrisme : pourquoi tant d’intérêt ?
Ceci est un commentaire du film UIP paru sur Internet vers mi-Octobre 2007 [1] et relayé par le Réseau Blaise Pascal, où l’astrophysicien Trinh Xuan Tuan expose ses vues sur les implications philosophiques et métaphysiques de la science.
1) La position de Trinh Xuan Tuan est très nettement finaliste et anthropocentriste (… nous sommes là pour donner du sens à l’Univers… l’Univers nous a créé pour que nous nous posions des questions… il fallait que l’Univers invente les étoiles massives pour… que l’homme existe).
C’est tout à fait son droit de penser ainsi et tout à fait, aussi, dans le droit fil de la doctrine religieuse et philosophique classique chez nous. Mais, est-ce pour autant vrai et exact : ou n’est ce – encore et toujours – que l’affirmation d’une hypothèse, qu’une volonté de donner du sens, que l’énoncé d’un modèle du monde non recalé, parce que non recalable sur la réalité, parce que non contrôlable et non vérifiable ? Je parle ici de la réalité scientifique (certes observable en ce moment, et qui n’est pas tout, comme dit Trinh Xuan Tuan ; mais dire qu’il y a, ou aurait, autre chose ne mange pas de pain, tant qu’on se garde de définir cet autre chose et surtout d’argumenter solidement sur cet autre chose, au delà sa seule suggestion ou affirmation).
Par ailleurs, si l’on admet un doute méthodologique sur la connaissance observable actuelle, est-ce bien raisonnable de se lancer – sans un doute infiniment plus considérable – dans des affirmations soigneusement voilées (cf. la partie ré-enchantement du monde) sur ce qui n’est pas observable ; laissant croire que la connaissance de cet inobservable est possible, avec d’autres méthodologies mais surtout avec un degré de vérité considérable ?
Ne serait-il pas paradoxal d’affirmer et de se comporter comme si l’on avait plus raison [2] de se fier à l’inobservable qu’à l’observable ? On peut croire (c’est-à-dire adhérer de tout son cœur à de l’inobservable et régler sa vie sur de l’inobservable), mais on ne peut dire que cet inobservable est plus sûr et certain que l’observable. On peut tout à fait dire (avec raison, selon moi) que cet inobservable est plus important et plus vital pour le croyant que l’observable. Mais on ne peut pas dire que l’adhésion sincère et profonde (du croyant) fait office de preuve de la vérité de ce sur quoi (ou qui) porte l’adhésion ou de celle du contenu de l’adhésion.
Il faut accepter qu’il y ait un risque de « plante » dans l’acte de confiance, d’adhésion, de foi. C’est frustrant ; cependant il faut l’assumer.
Croire n’est pas savoir [3]. Nous sommes des croyants, pas des sachants.
Enfin, si croire était savoir, il faudrait de dépêcher d’utiliser professionnellement (et dans la Recherche, en particulier) ce merveilleux outil de connaissance, plutôt que de continuer d’employer des méthodes (celles actuelles) désormais réputées de piètre qualité. Mais on imagine mal des soutenances de thèses transformées en actes de foi sur des sujets scientifiques.
2) Pour tester la pertinence de l’anthropocentrisme et donc le principe anthropique, j’invite le lecteur à vérifier les calculs élémentaires suivants (qu’une exposition au CAE Saclay se trouve avoir évidemment confirmés). Les ordres de grandeurs des tailles sont :
Univers observable 10 puissance 26 mètres
La Terre 10 puissance 7 mètres
Atome 10 puissance -10 mètres
Noyau atomique 10 puissance -15 mètres
Autrement dit, si l’on ramène par la pensée l’Univers (observable) à la taille de la Terre (soit un saut de 10 puissance -19), alors la dite Terre est ramenée à une dimension en 10 puissance -12, c’est-à-dire de l’ordre du centième de la taille d’un atome non réduit, d’un atome réel de la Terre réelle. Cela nous montre la place moins qu’infime qu’occupe notre planète (porteuse de vie et de notre espèce) dans l’Univers. Cela mesure aussi l’immensité de notre ignorance de la totalité de cet Univers et fait apparaître le nombrilisme arbitraire de l’anthropomorphisme sous-jacent à l’affirmation de Trinh Xuan Tuan que nous sommes là pour donner du sens à l’Univers. A qui ferait-on admettre qu’un atome donné de la Terre (qui nous intéresserait pour une raison ou une autre) serait celui qui porterait la raison d’être de cette Terre, plutôt que l’atome voisin ou n’importe lequel des 10 puissance N atomes composant cette Terre ?
Or, c’est bien ce que propose Trinh Xuan Tuan.
Passons maintenant au temps. L’image est connue de tous. Si la durée depuis le réputé Big Bang était ramenée par la pensée à une année terrestre, alors l’Homme apparaîtrait le 31 décembre vers 23 h 55, 5 minutes avant le minuit fixé… par l’époque actuelle, qui n’est évidemment pas la fin de l’Histoire. Est-ce raisonnable de dire que l’évolution a pour but l’homme et non pas une autre espèce qui aura son existence et son acmé bien plus tard, après que notre espèce aura disparu ? Et, bien sûr, pour autant que cette évolution ait un but (hypothèse évidemment indémontrable).
En effet, avec la même image de l’année jusqu’au présent actuel, le temps au plus tard du système solaire serait en fin Avril, début Mai de l’année d’après. Cela laisse encore bien du temps (comparé à nos 5 mn d’existence comme espèce) pour faire apparaître et disparaître sur Terre des espèces nombreuses dont rien ne nous autorise à penser qu’elles ne seraient pas plus notables que la nôtre, mais tout aussi orgueilleuses au point de s’autoproclamer à leur tour la vraie raison d’être de l’Univers.
Combinant les deux remarques évidentes ci-dessus, on doit conclure que notre espèce est infiniment moins qu’une infiniment minuscule île dans les immenses océans de l’espace et du temps. Ce qui n’empêche pas certains, dont Trinh Xuan Tuan, à s’acharner à se convaincre que ces immensités sont centrées, polarisées sur nous. N’est ce pas une position indéfendable ?
Une réponse souvent donnée consiste à dire que ce tableau n’est pas enchanteur et qu’il est difficile à supporter psychologiquement. Jouer les Robinson n’est pas joyeux. Tout ceci est bien vrai, mais ce n’est pas la psychologie qui régit l’Univers. Elle ne régit que le modèle que l’on veut s’en faire dans nos cerveaux… au travers de la fameuse opération de « don de sens ».
Que l’on ait envie de se faire plaisir en ré-enchantant le monde, pourquoi pas ? Mais, à condition – si cela est possible – de le faire lucidement, de ne pas se duper soi-même, à condition d’avoir les yeux grands ouverts, et non grands fermés, et d’admettre que répondre à un besoin psychologique intense n’est pas gage de vérité, même si cela fait du bien sur le moment.
Ceux qui, en leur temps, ont refusé de « désespérer Billancourt » n’ont pas pu exorciser une réalité insoutenable pour eux.
3) Autre point, très classique chez Trinh Xuan Tuan : la redoutable précision des réglages des constantes de la physique qui a été nécessaire pour engendrer les conditions de la possibilité d’existence d’une planète habitable, la Terre, et la vie qui est dessus.
Argument époustouflant s’il en fut ! Et pourtant pas si extraordinaire que cela si l’on accepte d’y réfléchir à la lueur de la Complexité.
Tout le monde connaît la notion de chaos déterministe et chacun sait que ce n’est pas un rêve (ou un cauchemar), puisque celui-ci menace de s’installer dès que 3 systèmes bouclés sont en interfaces moyennement lâches (voir David Ruelle). Dans notre monde dissipatif et très interactif, où les boucles sont innombrables et entrelacées, les situations chaotiques sont la règle générale contrairement à ce que l’on imagine spontanément. Et le management – le pilotage en général – est ce que l’on a trouvé de moins mal pour essayer d’arriver à peu près là où et quand on veut, malgré la tendance à la dérive chaotique permanente.
Imaginons donc le plausible scénario suivant : ce qui s’est passé (quoi exactement ?) lors du réputé Big Bang est de nature chaotique [4]. Cela veut dire que pour une variation epsilonesque, aussi petite que l’on veut, l’histoire du phénomène en aval de ce Big Bang sera ce qu’elle sera, certes unique, mais unique parmi des milliards d’autres « trajectoires » (histoires ici) toutes aussi possibles. La physique vécue dans l’histoire retenue fait partie intégrante de cette unicité adoptée parmi des milliards possibles – comme (dans notre physique) le plan dans lequel se déroule la trajectoire d’un crayon que l’on lâche posé sur sa pointe : ce plan est unique mais imprédictible car n’importe lequel autre était possible.
Certes, au contraire de l’exemple ultra simple du crayon, où toute trajectoire de chute a un air de parenté avec les autres, dans le cas plus complexe d’un Big Bang, les physiques engendrées auraient vraisemblablement été radicalement différentes de celle que nous vivons. Avec, par exemple, d’autres entités fondamentales fixées à des valeurs spécifiques ou pas, peut-être. Chacune de ces physiques aurait engendré un autre Univers, non comparable avec celui que nous connaissons et non analysable avec notre physique [5]. Alors, comment, juchés sur cette physique particulière, pouvons nous affirmer qu’un autre Univers muni d’une autre physique aurait été stérile d’une autre « « vie » », qu’il aurait été sans intérêt, etc. ? Certes, il aurait été différent du nôtre, mais il aurait donné ce qu’il pouvait, comme le fait notre Univers… dont nous n’expérimentons en plus qu’une infime minuscule partie.
De notre ignorance d’une autre physique, ne disposant que d’un savoir terrestre, liée à cette physique particulière issue de ce tirage d’Univers sorti de l’urne des conditions initiales d’un phénomène chaotique (sensible aux conditions initiales, par définition), pouvons-nous sans trembler nous autoriser à dire que le Cosmos que nous connaissons, un peu, était le seul viable, au sens de ce que nous appelons « vie », sur notre Planète.
Mon Dieu, ne serions nous pas comme ces gens qui vivent, sur Terre, dans un espace confiné (géographique ou culturel), isolés du reste du monde terrestre et qui se disent que la seule façon de vivre, c’est la leur ? Et que, s’il y avait d’autres habitants sur Terre, ceux-ci ne pourraient que vivre les mêmes expériences et situations qu’eux ? Ou n’être pas humains.
On voit que l’immense improbabilité d’occurrence de notre Univers (ou une « vie » existe en un lieu) n’est que la traduction statistique de l’extrême sensibilité aux conditions initiales supposée lors du Big Bang. Elle est donc triviale. La cohérence des paramètres physiques est donc basique dans cet Univers [6], mais un autre jeu de constantes aurait produit un autre Univers – et non une variante de notre Univers – une autre histoire qui, lue dans notre physique n’a pas de sens ; mais, voilà, cet autre jeu portant sur d’autres « objets » devrait être lu dans la physique propre à laquelle il correspondrait pour savoir s’il a du sens ou non. Et cela nous ne savons pas le faire, par définition.
4) Risquons une parabole
Il en va de la position de Trinh Xuan Tuan comme celle d’un investisseur perdu dans un coin du monde, qui possède des actions d’une société locale, cotée sur une bourse provinciale.
Il prend conscience un jour de la valeur considérable à ses yeux de son portefeuille. Comme il ignore à peu près tout de ce qui se passe en économie, mais qu’il a des rudiments d’Histoire, il se complait à considérer, avec le peu de savoir dont il dispose, que toute l’histoire passée du monde, la montée et l’effondrement de grands empires nationaux puis économiques, le long passé scientifique, technique, social, économique, commercial, monétaire, politique, militaire… du monde entier a été bien « réglé » pour produire, ce jour là, la valeur considérable de ses actions qui le réjouit tant. Et effectivement, s’il faisait le calcul de la probabilité pour que l’ensemble des événements mondiaux, mettons sur les 5000 dernières années, arrive à ce résultat là ce jour là, il arriverait à un nombre quasi nul. Ce qui aurait évidemment, à ses yeux, d’importantes implications philosophiques et métaphysiques.
N’empêche que toute personne à laquelle il expliquerait combien sa situation est vraiment intéressante et « polaire » pour l’histoire du monde, se gausserait de lui.
5) N’oublions pas que nous sommes dans un contexte de foi.
J’ai questionné publiquement Trinh Xuan Tuan, il y a une bonne dizaine d’années, lors d’une conférence qu’il donnait à l’Ecole Polytechnique, à Palaiseau. Il tenait déjà le discours de ce film, y compris la flèche qui arrive à son but après avoir traversé l’Univers. Je lui ai demandé si la conception de la divinité qu’il évoquait (comme dans cette interview) à mots subtilement couverts ou subliminaux, était plus proche du dieu horloger, du dieu des philosophes et des savants, ou du dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de Jésus. Il a publiquement répondu, en toute franchise, qu’il s’agissait bien du dieu de Voltaire, celui des savants et des philosophes.
Et, sauf erreur de ma part, le Dieu auquel nous nous référons (au risque de nous planter, d’ailleurs) n’est pas ce dieu là.
Car, encore une fois, la foi n’est pas une vérité, mais une confiance. Peut-être mal placée, peut-être bien placée…mais, en tout cas, placée.
Qui sait ? Et qui sait qu’il sait ?
[1] Ce commentaire a été écrit juste après la diffusion de ce film, lequel est toujours visible sur le site UIP.
[2] Sachant qu’il ne faut pas confondre « avoir des raisons » et « avoir raison ».
[3] Les interfaces du croire et du savoir vont évidemment bien au-delà de cet énoncé et s’il y a débat à partir de ce texte, peut-être pourra-t-on les préciser.
[4] On notera que même dans nos schémas actuels de cosmologie de notre Univers post Big Bang, on voit apparaître au moins deux fois la sensibilité aux conditions initiales, donc le chaos : une fois au sujet de l’inexistence (supposée) de l’antimatière, attribuée à un très léger excès de « matière » par rapport à « l’antimatière » lors du Big Bang. Une seconde fois lorsque l’on évoque les très petites différences observées sur la cartographie du rayonnement fossile (le fond diffus cosmologique) pour rendre compte de la genèse ultérieure des galaxies ou amas de galaxies.
[5] Soyons clairs qu’il ne s’agirait pas d’une variante de notre Univers, mais d’un Univers totalement autre.
[6] Et peut-être, un beau jour, la fameuse théorie du Tout, tant espérée, montrera que ces constantes si diverses ne sont que la « projection » d’une unique caractéristique sur diverses « composantes » de la réalité physique.
Le Philosophe et la rose
Le Philosophe, ayant cueilli une rose, se pose la question :
« Qu’est-ce que la rose ? » Sil avait entendu le langage de la rose, il ne se poserait pas la question, mais il est devenu sourd et n’entend plus le langage de la rose.
Il rencontre alors son collègue le Mathématicien, et lui pose la question :
« Qu’est-ce que la rose ? » Le Mathématicien, plongé dans ses structures, répond au Philosophe : « Ta rose ne m’intéresse pas, à moins que je puisse la regarder comme élément d’un ensemble, et que je puisse lui appliquer mes opérations ».
Le Philosophe déconcerté, s’en va trouver le Biologiste qui s’empare aussitôt de la rose, la coupe en petits morceaux qu’il examine au microscope, et répond au Philosophe : « Je ne vois rien ! ».
Le Philosophe consterné, ramasse en pleurant les débris de la rose, et s’en va trouver l’Artiste : « Qu’est-ce que la rose ? » lui demande-t-il.
« Je ne sais pas, répond l’Artiste, mais je vais t’indiquer le chemin qui te conduira à la réponse. Va en un lieu qui s’appelle Chartres, et là tu trouveras une cathédrale, et sur cette cathédrale il y a trois Roses, et ces trois Roses racontent l’histoire de la Rose éternelle ».
« Est-ce loin ce pays ? » demande le Philosophe.
« Je ne sais pas, répond l’Artiste, mais si tu veux arriver, n’emporte aucun bagage et surtout aucun livre. Sinon tu n’arriveras jamais ».
« Et si je ne trouve pas mon chemin ? » demande le Philosophe.
« Tu interroges les Oiseaux, répond l’Artiste, ce sont les amis de la Rose ».
« Mais je ne comprends pas le langage des Oiseaux », dit le Philosophe.
« Cela ne fait rien, répond l’Artiste ; il suffit que tu leur demandes, car eux te comprendront, et il te conduiront à la Rose, tu n’auras qu’à les suivre ! ».
( Extrait d’un recueil de l’Abbé Henri Stéphane )
Ce texte a pour moi valeur de « koan ». Ce terme oriental désigne un mot, une phrase, une histoire, destinée à briser le travail souvent épuisant du mental pour orienter l’esprit vers l’essentiel. Plutôt que de regarder la lune, le sot regarde le doigt qui lui montre la lune…
Il est permis de se poser des questions sur les mots et expressions qu’on utilise dans les différentes phases de la communication humaine. Un minimum de rationalité et de règles du discours est nécessaire pour ne pas sombrer dans la confusion et le désordre. Mais la Sagesse consiste à dépasser le simple cadre étroit des structures de notre pensée. A côté des principes il y a place pour la création, pour la sensibilité de chaque personne, pour la recherche de l’invisible qui ne peut être le fruit d’un décret ni d’une bulle, ni d’une fatwa.
Aussi je fais confiance à un au-delà des mots, celui vers lequel les Oiseaux du poème sont sensés accompagner les humains. C’est d’ailleurs ma règle de vie dans ce domaine, consistant à mettre une certaine distance entre ce qui est déclaré et ce qui a valeur de vérité. Les conflits d’opinion me paraissent tout à fait dérisoires lorsqu’il s’agit de fixer les rites de la liturgie dans les communautés chrétiennes ou bien de spéculer sur le BIG BANG ou encore sur le principe anthropique..
Qu’est-ce que le réel ? Le hasard ? la vérité ?
Autant de questions qui mobilisent toutes nos facultés de raisonnement et notre imagination.
Qu’apporte en fait à la religion la science contemporaine ?
Certains scientifiques pensent qu’elle nous rend, plus fortement que jamais, sensibles au mystère. Certes la langue mathématique s’avère beaucoup plus puissante que notre langue de tous les jours et l’on doit être capable de s’émerveiller de toutes les stupéfiantes corrélations entre la découverte intuitive d’outils mathématiques et leurs applications à tous les niveaux de la physique. Certes dans les sciences on découvre le mystère à chaque pas, toujours en des positions limites qui reculent sans cesse au fur et à mesure des progrès dans la compréhension des phénomènes. Certes de tels mystères peuvent faire surgir dans la pensée des intuitions d’un autre ordre mystique ou tout au moins un sentiment immense d’admiration devant un possible ordre suprême.
Les conquêtes inouïes de la science révolutionnent nos représentations de la réalité. Citons : le temps inversé, l’espace déformé, les particules qui perdent leur individualité et qui se passent du temps ou de l’espace, la mystérieuse dualité onde – corpuscule qui échappe à notre imagination, etc…Elles repoussent inexorablement ce que certains pourraient concevoir comme une frontière qui nous sépare de la transcendance. Des hommes de science affirment que le mystère ne se trouve pas dans les grandes déclarations scientifiques assorties de prix Nobel, mais dans un horizon qui doit sans cesse être pénétré pour y découvrir progressivement le sens de toute chose. Cependant cette frontière dont ils nous parlent et qui représente une réalité bien connue en topologie, possède-t-elle une réalité ? Rien n’est moins sûr…car il n’existe pas de complémentarité entre la connaissance rationnelle et la réalité transcendantale. La transcendance enveloppe les réalités immanentes de manière non géométrique contrairement à ce que nous suggèrent nos manies anthropomorphiques.
Non, au bout d’une inlassable conquête de la connaissance scientifique, si poussée fût-elle, il n’y aura pas trace d’un dieu dont on aura compris le rôle dans l’organisation de l’Univers et dont on aura exploité la toute puissance pour établir sur le monde une morale nouvelle et une paix définitive. Et dire que des scientifiques rêvent encore d’une grande unification des lois de l’Univers dans une perspective plutôt prométhéenne ! La science permet de nous éduquer sur un certain sens des choses qui émane d’un ordre du monde , de nous faire réfléchir sur la manière d’être et de se comporter avec notre environnement et notre prochain. Mais la science, fille de la pensée rationnelle, ne nous fournira jamais les clés de tout ce qui nous préoccupe. De beaux jours encore pour Darwin et pour le néo-darwinisme…
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance ».
Ce rapport à Dieu sépare l’homme des animaux. Il suppose une similitude générale de nature : intelligence, volonté, puissance et amour. Mais réciproquement, il faut que l’homme se garde de concevoir son Créateur à sa propre image cartésienne et à sa ressemblance !
Après la Chute, ce n’est ni l’omniscience que l’homme ne possède pas, ni le discernement moral qu’avait déjà l’homme innocent. C’est la faculté de décider soi-même ce qui est bien et mal et d’agir en conséquence, en vue d’une nouvelle Naissance.
Principe anthropique
Après avoir étudié « d’autres Univers », celui dans lequel nous sommes plongés apparaît semblable à une gigantesque machinerie dont les éléments de base sont les particules et interactions fondamentales, réglée de façon très précise par l’intermédiaire des constantes universelles, se complexifiant au fur et à mesure de son fonctionnement, à partir de conditions initiales très précises. Notre Univers est particulier, singulier.
Considérant ce résultat, en 1975, B.Carter énonça une proposition qu’il nomma « Principe Anthropique ». Il en proposa deux versions dites respectivement faible et forte.
La forme faible stipule que la présence d’observateurs dans l’Univers impose des contraintes sur la position temporelle de leur apparition. Ce qui signifie que la présence d’observateurs impose que l’âge de l’Univers soit compris entre certaines limites. Les observateurs n’ont pas le statut de « cause » mais imposent des contraintes quant à l’âge, l’évolution de l’Univers.
La forme forte étend le champ des contraintes aux propriétés de l’Univers. Elle stipule que la présence d’observateurs dans l’Univers impose des contraintes, non seulement sur la position temporelle de leur apparition, mais aussi sur l’ensemble des propriétés de cet Univers, en incluant dans celles-ci les valeurs des constantes physiques fondamentales. Carter résume toutes ces idées en disant : « l’Univers est tel qu’il est parce que nous existons ».
De là à penser qu’il a été « fabriqué » ou qu’il « s’est fabriqué » en vue de notre existence, il n’y a qu’un petit pas. Bien que ce pas ne soit pas explicitement franchi il n’en reste pas moins vrai que la version forte, tout au moins, introduit par le biais de données scientifiques une interprétation téléologique , introduit une idée de finalité ou fait implicitement appel à une intentionnalité. Le principe ainsi énoncé ne se situe pas exclusivement dans un cadre scientifique, introduit une notion de sens, et de ce fait, scientifiquement parlant, est critiquable.
Généralement, d’un principe les scientifiques tirent des conséquences qui sont par obligation comparables à des faits d’observation. En ce sens le principe anthropique n’en est pas un, car il remonte du fait d’expérience (nous existons) aux propriétés requises pour que ce fait existe. Il serait donc préférable de l’appeler « principe de compatibilité » ou plutôt condition de compatibilité. Une condition qui exprime que tout modèle d’univers, pour être scientifiquement recevable, doit conduire à l’apparition de la vie.
Toutefois une question se pose immédiatement, se dédoublant d’ailleurs en deux interrogations :
– y a-t-il un seul ou plusieurs modèles d’Univers répondant à la condition de compatibilité ?
– cette condition étant satisfaite par un modèle, à partir de quel « moment » les propriétés de l’Univers qu’il décrit doivent-elles être fixées de façon très précise ? Ou formulées autrement, les propriétés doivent-elles être fixées de façon très précise dès le « commencement » ou bien à partir d’un certain « temps » ? Dans ce cas ces propriétés pourraient être fixées au « commencement » de façon très lâche, quitte à ce qu’elles conduisent à une seule voie d’évolution à partir d’un certain « temps », par exemple, un peu avant la nucléo-synthèse primordiale. Il suffit qu’en cette étape les propriétés de ou des univers ainsi décrits, correspondent à celles que l’on s’accorde à attribuer à notre Univers en cette période, pour que ce ou ces modèle d’univers soient scientifiquement recevables.
Ce n’est qu’après avoir répondu à ces questions que l’on pourra éventuellement admettre une vision téléologique, une idée de finalité ou d’intentionnalité dans cette histoire.
Dans le but de formuler une réponse à la première question, les cosmologues entreprirent d’étudier les différents modèles d’univers, les caractéristiques des différents univers possibles. Les résultats peuvent être regroupés en deux classes :
en attribuant à l’une (ou plusieurs) des constantes fondamentales, des valeurs différentes de celles que nous mesurons dans notre univers, l’on construit ainsi un grand nombre de modèle d’univers. De cette étude l’on peut déduire que notre Univers est singulier. Mais on peut aussi postuler l’existence de mini-univers, de « taille » plus grande, plus petite, ou semblable à celle du nôtre, l’ensemble composant un grand Univers. Parmi ces mini-univers, un au moins, le nôtre, est conforme au principe de compatibilité. Dans cette vision notre univers ne serait alors qu’une des réalisations dont le grand Univers aurait « accouché » et cette réalisation serait due à un hasard heureux.
une autre perspective découle de l’étude du futur de l’Univers. Si l’Univers, après un certain temps revient à son point de « départ », il aura alors effectué un cycle. Dans cette vision, il est donc possible de concevoir un Univers qui se réalise en une succession de cycles, chaque cycle ayant des propriétés différentes. Nous serions en un cycle favorable à l’apparition de la vie et ce cycle serait apparu au hasard, parmi beaucoup d’autres possibles.
Ces deux conceptions réfutent toute idée de finalité ou d’intentionnalité mais introduisent en contre partie l’idée d’un hasard, l’un des mini univers ou l’un des cycles nous étant au moins favorable. Toutefois leur plus grave défaut est de faire appel à « l’existence » d’univers ou à des cycles d’un même univers dont on ne peut, par l’expérience, vérifier la « réalité ». En effet il est improbable qu’ils puissent se manifester par des effets observables par des observateurs localisés dans notre Univers. Si l’on se réfère à la règle du « rasoir » d’Ockham qui exclue toute pluralité de raisons que n’impose pas l’expérience, soit une règle d’économie, l’on ne peut plus considérer ces conceptions.
Il est donc légitime d’affirmer, en réponse à la première question, que notre Univers est unique, le seul qui satisfasse la condition de compatibilité. Toutefois l’examen de la seconde question nous amènera à nuancer cette assertion.
En effet l’on s’accorde pour reconnaître que les propriétés de l’Univers une seconde environ après le « début » doivent être fixées de façon précise pour que l’évolution ultérieure reproduise ce que nous observons.
Avant cette première seconde les connaissances théoriques sur lesquelles l’on peut s’appuyer pour décrire les événements de cette période, ne sont pas certaines, car ne peuvent, pour l’instant, faire l’objet d’un contrôle expérimental. L’on peut donc envisager plusieurs possibilités selon le schéma théorique que l’on privilégie pourvu qu’elles conduisent aux conditions établies au début de la première seconde.
A défaut de connaissances certaines sur « l’avant » première seconde, l’on doit donc considérer un Univers unique et dans ce cadre l’on est renvoyé au « Principe anthropique ». Peut-on en formuler un énoncé qui soit exempt de toute interprétation téléologique ? Son énoncé peut-il être débarrassé de tout point de vue subjectif et en tendant à l’objectivité, peut-on lui conférer un caractère scientifique ? Il semble bien que cette gageure ait été tenue par H.Reeves en proposant un énoncé de ce « Principe » à la fois plus limité et plus général. Cet auteur, pour bien marquer le changement de point de vue, l’appelle « Principe de complexité » et le formule ainsi : « l’Univers possède depuis les temps les plus reculés accessibles à notre exploration, les propriétés requises pour amener la matière à gravir les échelons de la complexité » .
Ce dernier énoncé est plus objectif que les précédents et ceci pour deux raisons. Tout d’abord il limite la portée de l’énoncé à ce qui est accessible à notre entendement, soit à ce qui revêt un caractère certain. Pour l’instant il s’agit de la période débutant une seconde après le « commencement ». Ensuite il englobe tous les échelons de la complexité, l’ensemble du processus de complexification. Cette position évite de redonner à la vie et à l’homme en particulier, une place centrale dans l’Univers, une conception en contradiction avec ce que l’on appelle le principe cosmologique. En effet il résulte de la Relativité générale que toute position dans l’Univers est équivalente, qu’aucune position n’est privilégiée. En particulier il n’est pas strictement improbable qu’en d’autres lieux que sur Terre la matière n’ait pu gravir les échelons de la complexité pour atteindre éventuellement une forme de vie.
Peut-on, sans manquer à l’objectivité, étendre la validité de cet énoncé au delà de la limite temporelle qu’il s’impose ? Peut-on étendre donc sa validité en remontant le « temps » jusqu’au « commencement » ? Oui si l’affirmation a alors le statut d’une hypothèse. Une hypothèse qui serait validée si le modèle de big-bang se révèle être valable depuis le « commencement » car alors l’Univers « apparaît » en ayant des propriétés bien précises.
Nous plaçant dans le cadre de cette hypothèse, nous pouvons dire : pour nous observateurs, l’Univers évolue à partir d’une constitution première, d’une configuration primordiale contenant en puissance, en état de potentialité toutes les composantes qui apparaîtront et que nous observons, des plus simples aux plus complexes. Cette formulation implique notamment que le processus Univers se déroule selon une morphogenèse ou plutôt une structurogenèse autonome, soit sans intervention ou apport d’un éventuel extérieur.
L’Univers serait-il alors « doté » d’un « projet » et reconnaissons-nous dans son évolution les effets de cette propriété ? Notre formulation du principe, ou d’autres, visant à l’objectivité, ne portent-elles pas la marque, l’empreinte d’un tel concept que nous admettons en notre subjectivité ?
Il faut bien reconnaître qu’en ce dire, nous prenons une position téléonomique en postulant que l’état primordial de l’Univers est ordonné à un devenir. L’on ne peut en fait éviter d’introduire dans nos formulations, un dire subjectif minimum, car nous sommes en ce point à la charnière où le dire scientifique objectif bascule vers une éventuelle signification. La connaissance donnée par la signification n’est plus objective. En effet l’ensemble des connaissances objectives quant à l’Univers et son évolution forme en ce point le signifiant. Et ce que ce signifiant signifie, le signifié, est de l’ordre de la représentation mentale, de l’appréciation subjective personnelle.
La reconnaissance d’un possible signifié ouvre la voie à la recherche d’un sens, une recherche balisée par la nécessité de rester en cohérence avec les données signifiantes. Ceci laisse un ensemble de sens ou de non-sens possibles, que nous pouvons inventorier en vue de nous forger une intime et profonde conviction … en toute liberté.
15-6-2008 G.Armand
Extrait (condensé) du livre « Quête de Sens » G.Armand, A.Obellianne (exemplaire disponible auprès du premier auteur) ou consulter « Connaître » n° 2 Juin 1994, Cahiers de l’Association Foi et Culture scientifique.
Si l’Univers possède un sens alors un certain nombre de conditions ont été réunies afin d’accueillir l’Homme et tous ses langages de communication telles que la logique la plus formelle . Au sein de cette dernière il existe une proposition parfaitement intelligible du style : « L’Univers ne possède pas de sens ! ». Compte tenu de la contradiction bien visible, est-il si important de se creuser les méninges sur ce fameux principe anthropique ?
Si l’Univers possède un sens alors il est porteur d’une potentialité qui intègre le subjectif. Comment alors inclure ce paramètre de manière objective dans une théorie scientifique qui ne sait reconnaître que l’objectivité ? Il intègre aussi la faculté de « croire » avec ou sans complément. Tout homme possède alors la liberté de croire que le monde n’a aucun sens. Conclure !!!
Dommage que Raymond Devos ne fût plus de ce monde ! Il montrerait encore mieux que moi que c’est le serpent qui se mord la queue.
La morale de l’histoire est que tout chercheur se trouve nécessairement piégé par le langage. Est-il seulement possible de formuler un concept à propos de cette réalité si familière qu’est l’angle droit . ?
Dans la théorie de l’évolution de Darwin, il est possible de contester les affirmations les plus péremptoires par le seul jeu des contradictions logiques.
Alors un peu de modestie dans nos propos.
Les doutes exprimés par Jean-Pierre Bombled me semblent très justifiés. Deux questions :
1) La comparaison du crayon qui tombe dans une seule direction conduit à réfléchir aux « conditions initiales » du Big bang : pourrait-on imaginer que plusieurs univers dotés de constantes physiques différentes de celles de notre univers aient pu « survenir » (ou être créés si l’on accepte l’hypothèse d’un Créateur) et que le seul univers qui n’ait pas disparu est celui où les constantes sont celles qui lui confèrent une métastabilité suffisante pour durer jusqu’à aujourd’hui ?
2)La différence radicale qui sépare le principe anthropique fort du principe anthropique faible n’est pas suffisamment analysée : le principe anthropique faible est une constation établie dans le domaine de la physique, alors que principe anthropique fort est du domaine de la métaphysique. Kant avait bien distingué ces deux doamines et il est utile de le relire :
Il introduit ensuite la distinction fondamentale entre le phénomène et le noumène. « Les images sensibles … s’appellent phénomènes. Mais si j’admets des choses qui soient simplement des objets de l’entendement et qui pourtant peuvent être données, comme telles, à une intuition, sans pouvoir l’être toutefois à l’intuition sensible (par conséquent coram intuitu intellectuali), il faudrait appeler ces choses des noumènes … L’Esthétique transcendantale … justifie la division des objets en phénomènes et noumènes, par suite celle du monde en monde des sens et monde de l’entendement (mundus sensiblis et mundus intelligibilis) » (Analyt. Transcendantale, livre II, chap. 3, 2ème éd.).
Contrairement à ce qui est souvent raconté, Kant ne pense pas que les noumènes sont inconnaissables, puisqu’il dit qu′ils sont des objets de l’entendement et qu’ils peuvent être donnés par une intuition. En disant même que les noumènes constituent le « mundus intelligibilis », il donne l’une des clefs de l’intelligibilité du monde, et des limites du scientisme. Continuons donc à suivre le chemin tracé par Kant vers la métaphysique, avant de chercher des perspectives plus larges.
Kant commence par être sceptique quant à la possibilité d’une métaphysique, parce que son objet est la chose en soi (Ding an sich) qui ne peut être connue au moyen des catégories (ce qui n’exclut pas, répétons-le, qu’elle puisse être connue par d’autres voies). « La Métaphysique, connaissance spéculative de la raison tout à fait isolée et qui s’élève complètement au-dessus de l’expérience par de simples concepts (et non pas, comme la Mathématique, en appliquant ses concepts à l’intuition) … n’a pas encore eu jusqu’ici l’heureuse destinée de pouvoir s’engager dans la voie d’une sûre science. Elle est cependant plus ancienne que toutes les autres et elle subsisterait quand bien même toutes les autres ensemble seraient englouties dans le gouffre d’une barbarie entièrement dévastatrice. Car la raison s’y trouve continuellement dans l’embarras… » (Critique de la raison pure, préface de la seconde édition).
Heureusement, il sort de cet embarras en précisant ensuite que « Le concept d’un noumène, c’est-à-dire d’une chose qui doit être conçue non comme objet des sens, mais comme une chose en soi (uniquement par un entendement pur) n’est pas du tout contradictoire, car on ne peut affirmer de la sensibilité qu’elles soit le seul mode possible d’intuition. » (Analyt. Transcendantale, livre II, chap. 3, 2ème éd.). Mais il ne s’engage guère personnellement dans cette voie qu’il juge « problématique ».
(La suite, où Kant réfléchit sur les Idées platoniciennes serait un peu longue, mais je l’enverrai volontiers aux amateurs de pensées fortes.
Les différents participants au forum sur ce thème l’ont traité en se positionnant par rapport à un scientifique ,en l’occurrence : Trinh Xuan Thuan (lire Jean-Pierre Bombled), ou en se référant à d’anciens philosophes plus classiques dont KANT en particulier (lire Michel Godron). Je pense intéressant de traiter le problème autrement.
Dans le contexte actuel la tendance philosophique se partage en deux clans. Ceux qui défendent le principe anthropique fort qui mène à la finalité ou à l’opposé ceux qui prônent le principe de l’auto-organisation qui mène à l’athéisme. Or tous deux sont tributaires de l’anthropomorphisme, dont l’homme n’arrive pas à se défaire. Il traduit bien la réalité du raisonnement lorsque celui-ci s’applique à étudier les implications métaphysiques des sciences.
La science peut en fonction des expériences réalisées ou des hypothèses vérifiées, nous informer s’il s’agît d’un phénomène déterministe ou indéterministe, de turbulence, ou chaotique ou aléatoire ou cyclique etc.. Son rôle s’arrête là. C’est pourquoi quand on aborde ces questions il convient de bien délimiter le domaine de la science, celui de la métaphysique (philosophie) pour éviter la confusion et les conclusions hâtives.
Nous avons essayé d’éclaircir ces questions dans un document plus conséquent intitulé « A la recherche de la vérité sur Dieu » qui est disponible a qui en ferait la demande en écrivant a l’adresse ci-dessous. A vous d’apprécier personnellement les arguments pour l’un ou l’autre principe.
Georges VANDAMME (g.vandamme@hotmail.fr)
L’intéressante contribution de Georges Vandamme m’incite aux deux commentaires suivants.
1) EVOLUTION DU DOMAINE DU CROYABLE
Certes science et métaphysique ne doivent pas être confondues. Mais cela signifie-t-il qu’elles n’ont aucune relation ? En particulier, ne peut-il pas y avoir des contraintes émises par les connaissances scientifiques sur le champ de ce qui est affirmable en métaphysique et croyable en religion, à chaque époque ?
Si l’on compare les connaissances sur l’univers et sur l’origine de l’espèce humaine entre l’époque des Pères de l’Eglise et la nôtre, il est clair que l’anthropocentrisme était recevable lors de la première et ne l’est plus maintenant. En effet, nous avons récemment découvert l’énormité de l’univers par rapport au minuscule domaine où nous pouvons accéder et investiguer (cf. mon précédent papier). Rien que cette méconnaissance de la quasi totalité de l’univers, nous interdit de proclamer que nous sommes la raison d’être de cet univers et que nous y avons une position centrale ou polaire. Ceci réduit fortement le champ du croyable et l’anthropocentrisme qui était défendable au début de notre ère cesse de l’être maintenant.
Plus généralement, il faut noter que les options théologiques majeures du Christianisme ont été prises à cette époque patristique de faibles contraintes sur le croyable et ont été forgées à partir de la boîte à outils intellectuels de la philosophie grecque, ce qui est très restrictif. Il s’ensuit que ces options sont quelque peu désadaptées à notre culture présente, à cause d’une acculturation qui fut certainement pertinente en son temps, mais ne l’est plus.
2) L’AUTO-ORGANISATION EST-ELLE ATHEE ?
G. Vandamme évoque l’opposition entre deux couples : principe anthropique et finalité contre auto-organisation et athéisme. Est-ce sa vision, peu importe. En tout cas il est vraisemblable qu’elle recouvre peu ou prou celle de nombreux croyants. En effet, elle est bien dans la ligne de l’enseignement de l’Eglise Catholique : Dieu, le Créateur qui ouvre solennellement le Credo, façonne le monde pour que l’Homme vienne le couronner. La doctrine ne laisse aucune place à l’auto-organisation. Celle-ci est donc athée.
Mais est ce aussi simple ?
Comme rappelé ci-dessus, la théologie s’est évidemment élaborée dans un univers culturel qui ne pouvait qu’ignorer l’auto-organisation. Et d’une manière générale les sciences de la complexité qui ne se développent de façon significative que depuis le milieu du XXe siècle. L’athéisme imputé est donc de fait et non de droit. C’est un athéisme contingent à l’histoire des idées et non ontologique. C’est un athéisme par défaut, faute d’avoir essayé de bâtir une théologie sur les concepts liés à la complexité. Impossible gageure diront certains, à la suite de Benoit XVI qui n’a de cesse de célébrer et glorifier le mariage exclusif de la philosophie grecque avec la Révélation d’origine sémite. En fait, une acculturation de cette Révélation dans la pensée dite « complexe » n’est pas plus contre nature que celle dans la pensée grecque antique dès lors qu’on prend conscience du gouffre culturel qui séparait les mondes grec et sémite.
J’ai moi même publié des travaux là dessus* et le théologien Alexandre Ganoczy, dont ce site présente le dernier ouvrage, travaille aussi avec cette pensée. Ceci montre la faisabilité d’une nouvelle acculturation de la Révélation que notre temps requiert.
Jean-Pierre Bombled
* Quand la Modernité raconte le Salut et explore le problème du Mal. L’Harmattan. Cheminements Spirituels. 2003