« Dieu et la science en questions », un livre de Bertrand Souchard
Dans un langage accessible à tous, Bertrand Souchard, philosophe et théologien, répond avec précision et pédagogie à 28 questions fondamentales sur Dieu, la science et la nature, les classant selon cinq grands thèmes : La nature physique : la création et l’univers ; La nature vivante : Dieu et Darwin ; La connaissance de la nature : la foi et la science ; La nature de l’homme : image de Dieu et descendant du singe ; La nature du bien humain : l’éthique et la technique.
La science, la théologie et la philosophie ont chacune leur autonomie et leur légitimité dans l’explication du réel et du sens de la vie. L’auteur a pris soin d’éviter la confusion des genres et de respecter la spécificité de chacune tout en engageant un dialogue passionnant et passionné entre les trois, aussi éloigné du créationnisme que du matérialisme.
Fruit de longues années d’études approfondies et de recherches validées par une dizaine de scientifiques et philosophes, cet ouvrage de fond est une somme objective et claire, essentielle au dialogue entre la science et la religion.
Bertrand Souchard, né en 1965, est docteur en philosophie et maître en théologie. Professeur de philosophie au lycée Ampère et à l’Université catholique de Lyon, chargé de cours de philosophie de la nature, il est notamment l’auteur d’Aristote, de la physique à la métaphysique (Éditions universitaires de Dijon, 2003) et de 42 questions sur Dieu (Salvator, 2007).
SOMMAIRE
A La nature physique : la création et l’univers
1 L’homme n’est-il pas perdu dans cet espace infini ?
2 Qu’est-ce que le temps ?
3 La matière n’est-elle qu’un jeu de billes ou de legos ?
4 Y a-t-il du désordre dans la nature ?
5 Galilée face à l’Eglise, est-ce la vérité contre l’erreur ?
6 Le big bang, est-ce une théorie scientifique pour dire l’idée religieuse de création ?
B La nature vivante : Dieu et Darwin
7 Les plantes et les animaux sont-ils comme des machines ?
8 L’évolution des espèces s’explique-t-elle uniquement par le hasard et la sélection ?
C La connaissance de la nature : la foi et la science
9 A chacun sa vérité ?
10 Pourquoi la science émerge-t-elle dans l’occident judéo-chrétien ?
11 L’expérimentation scientifique s’oppose-t-elle à l’expérience de foi ?
12 La science peut-elle tout expliquer ?
13 Peut-on expliquer l’histoire de la nature de manière scientifique ?
14 Le livre de la Genèse n’est-il qu’un mythe ?
D La nature de l’homme : image de Dieu et descendant du singe
15 Le langage humain est-il différent du langage des animaux ?
16 L’animal a-t-il une conscience ?
17 La raison est-elle un produit du cerveau ?
18 La distinction du corps et de l’esprit est-elle rendue stérile par l’unité de la personne humaine ?
19 L’homme, un être culturel sans nature ?
20 Quand est apparu le premier homme ?
E La nature du bien humain : l’éthique et la technique
21 La violence potentielle de l’homme est-elle exacerbée par la religion ?
22 La technique est-elle un danger pour l’homme ?
23 Pour sauver la nature, faut-il sacrifier l’homme ?
24 A-t-on raison d’avoir peur des OGM ?
25 L’embryon est-il un individu humain ?
26 Donner son sperme ou être mère porteuse, est-ce être généreux ?
27 Pourquoi faudrait-il être contre le clonage humain ?
28 De la physique à la métaphysique ?
PROLOGUE
« Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène. » Cet adage, que certains attribuent à Louis Pasteur, est un peu le fil rouge de « Dieu et la science en questions ». La science peut-elle tout expliquer ? Galilée face à l’Eglise, est-ce la vérité contre l’erreur ? Le big bang, est-ce une théorie scientifique pour dire l’idée religieuse de création ? L’évolution des espèces s’explique-t-elle uniquement par le hasard et la sélection ? Le livre de la Genèse n’est-il qu’un mythe ? L’animal a-t-il une conscience ? La violence potentielle de l’homme est-elle exacerbée par la religion ? A-t-on raison d’avoir peur des OGM ? L’embryon est-il un individu humain ? Donner son sperme ou être mère porteuse, est-ce être généreux ? Pourquoi faudrait-il être contre le clonage humain ? … 28 questions sur la nature qui rencontrent des implications religieuses. La science est un lieu d’interrogations qui peut devenir une impasse ou un itinéraire vers Dieu. Thomas d’Aquin le notait déjà. « L’erreur relative aux créatures fausse la science que l’on possède sur Dieu, et, en le soumettant à d’autres causes, détourne l’esprit de l’homme de ce Dieu vers lequel la foi s’efforce de le conduire. »
Je dois faire un aveu, les questions relatives au rapport entre science et foi sont, pour moi, une interrogation permanente remontant à mon année de terminale au lycée. A l’époque (1982-83), je préparais ce que l’on appelait un baccalauréat C, mathématiques et physique. Et alors que je me sentais profondément chrétien, j’ai découvert la philosophie par un professeur plutôt anti-clérical. Cette année-là, j’ai eu l’impression que trois domaines de la culture, la science, la philosophie, la religion, au mieux s’ignoraient mutuellement, au pire prétendaient chacune avoir raison, en critiquant les deux autres. La science me donnait l’impression de trouver la philosophie fumeuse et peu rigoureuse et la religion une fable pour les enfants. La philosophie des maîtres du soupçon n’avait de cesse de critiquer la religion et d’ignorer la science. Enfin, le terminale catholique que j’étais, discutait avec fougue avec son prof de philo et s’étonnait de l’écart entre le discours de la Bible et celui de la science, entre son expérience religieuse et l’expérience scientifique. Depuis 25 ans, finalement, je demeure intellectuellement dans ce triangle, scientifique, philosophique et religieux, sans jamais en être vraiment sorti. Respecter l’autonomie de chaque savoir, tout en ouvrant chacun aux deux autres, a été dès lors une quête incessante, dont ce livre est comme l’aboutissement … provisoire.
Albert Einstein notait : « La plus belle expérience que nous puissions faire est celle du mystère de la vie. C’est le sentiment originaire dans lequel tout art et toute science véritables prennent leur source. Quand on ne le connaît pas, quand on ne sait plus s’étonner, s’émerveiller, c’est comme si l’on était mort, le regard éteint. » Or cet étonnement, cet émerveillement peuvent bien être un point commun entre la science, la philosophie et la religion. « Distinguer pour unir », dialoguer à trois, doit donc être possible, même si cela reste difficile, car respecter le savoir de chacun et s’ouvrir aux deux autres ne va pas de soi. Il est d’ailleurs quasiment impossible de trouver en une seule personne les trois compétences, d’où beaucoup de dialogue de sourds.
Saint Paul a fait, en un sens, l’expérience de cette difficulté. Voilà ce que raconte le Nouveau Testament de l’arrivée de saint Paul à Athènes : « A Athènes, l’esprit de Paul s’échauffait en lui au spectacle de cette ville remplie d’idoles. … Des philosophes épicuriens et stoïciens l’abordaient. … Debout, au milieu de l’Aréopage, Paul dit alors : … Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, lui, le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans les temples faits de main d’homme. …Il donne à tous vie, souffle et toutes choses. Si d’un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu’il habite sur toute la face de la terre ; s’il a fixé des temps déterminés et les limites et l’habitat de l’homme, c’est afin qu’ils cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver ; aussi bien n’est-elle pas loin de nous. C’est en elle en effet que nous avons la vie, le mouvement et l’être. … A ces mots de résurrection des morts, les uns se moquaient, les autres disaient : « Nous t’entendrons une autre fois. » » Saint Paul, l’homme de foi, discute à Athènes avec des philosophes épicuriens et stoïciens, au sujet de la nature. Nous avons comme les trois lieux de la culture : la religion, la philosophie et la science. Or, l’esprit de l’apôtre s’échauffe et certains de ses interlocuteurs se moquent. On le voit, le dialogue n’existe pas sans des crispations de part et d’autre.
Si la foi chrétienne préférera Platon et Aristote, aujourd’hui encore il faut discuter aussi avec les « épicuriens et les stoïciens » de notre époque, les deux formes de matérialisme que sont le scientisme et l’écologie radicale. Certes, la science et l’écologie sont des « bienfaits pour l’humanité », mais élevées chacune au rang de valeur absolue, elles conduisent à des impasses. Nous n’avons pas d’indifférence dans le positionnement par rapport à la nature. A la supposée neutralité scientifique s’ajoute l’engagement des hommes provoquant questions, moquerie, refus, perception intuitive de la mort, de sa propre mort. « Vous êtes embarqués » dit Pascal. Chaque homme s’engage dans sa vie par une orientation de son existence liée à certaines croyances. Traiter les créationnistes d’obscurantistes est parfois une manière de se voiler la face sur son propre obscurantisme matérialiste ou scientiste. La condamnation justifiée de l’autre nous permet de nous rassurer sur la vacuité de nos propres présupposés. Nous situer par rapport à la nature, tout en respectant la triple légitimité scientifique, philosophique et religieuse est un des objectifs de ce livre. Nous souhaitons engager un dialogue, établir des ponts, via la philosophie, entre la science et la religion, même si certains préfèrent construire un mur de Berlin, et déclarer la guerre froide. Etre ni matérialiste ni créationniste est une position difficile qui m’expose aux critiques des deux camps. Poser Dieu sans la science ou la science sans Dieu est plus simple. Le nombre des questions montre que démêler le vrai du faux n’est pas toujours facile. Lorsque nous parlons des sciences de la nature, nous faisons référence à la science moderne à partir du XVII° siècle. Même si une histoire des sciences existe dès l’Antiquité, ce livre évoque d’abord la science qui, depuis quatre siècles jusqu’à aujourd’hui, a connu une aventure extraordinaire.
Outre Dieu et la science, une autre notion transversale de ce livre est la nature. Chacune des six parties du livre reprend le terme : A La nature physique, B La nature vivante, C La connaissance de la nature, D Nature de l’homme et de l’animal, E La nature du bien humain. Le mot nature a plusieurs sens. Dans les trois premières parties, nous le prenons au sens de ce qui existe sans l’homme dans le monde, la matière (A) et la vie (B). La troisième partie est un retour réflexif sur ce savoir de la nature, distinguant les sciences de la nature de l’approche religieuse (C). Les deux dernières parties utilisent le mot nature selon une autre signification. Nous nous intéressons d’abord à l’homme en cherchant sa nature, à savoir son essence, sa définition, soit pour le distinguer de l’animal (D), soit pour évoquer son rapport à la technique et à l’éthique (E). Mais cette quête d’une définition de l’homme, de sa nature au second sens, est aussi celle de son rapport à la nature au premier sens (animalité, environnement, vie). Les vingt-huit questions du livre concernent donc bien toujours la nature, dans sa signification première, d’ensemble des réalités visibles qui environnent l’homme.
Dans un souci pédagogique, je souhaite que ce livre puisse être lu par un plus grand nombre, même si trois questions, sur le temps (2), le corps et l’esprit (18), et la métaphysique (28), restent plus difficiles à comprendre, car s’appuyant d’abord sur l’histoire de la philosophie. Les lecteurs moins habitués au langage philosophique ne les liront qu’à la fin. Les vingt-cinq autres questions, l’essentiel du livre, se veulent ouvertes à la lecture d’un large public. Il est simple de faire compliqué. Il est compliqué de faire simple. Il est possible de lire les questions dans l’ordre que l’on veut. Chaque lecteur fera son propre itinéraire selon ses propres interrogations. Dans le corps du texte des renvois aux autres questions sont proposés. Si un peu de science aurait tendance à éloigner de Dieu, nous espérons qu’un peu de philosophie des sciences ouvrira le lecteur à Dieu.