Dieu versus Darwin : les créationnistes vont-ils triompher de la science?
Dieu versus Darwin :
les créationnistes vont-ils triompher de la science?
Albin Michel
Le 1er août 2005, le président George W. Bush déclarait que les thèses de l' »Intelligent Design » (dessein intelligent), opposées à la théorie de l’évolution, devaient être « correctement enseignées » dans les écoles américaines. Depuis, la polémique n’a cessé d’enfler aux Etats-Unis. Dans une vingtaine d’Etats, les adversaires de Darwin ont obtenu une limitation de l’enseignement de la théorie de l’évolution. Dans l’Ohio, le Minnesota et le Nouveau-Mexique, les critiques du darwinisme ont fait leur apparition officielle dans les programmes scolaires. Et des questions pourtant anciennes comme les rapports entre science et religion, la pertinence qu’il y a à considérer la Bible comme un manuel de biologie ou d’histoire naturelle, occupent, comme le montre très bien Jacques Arnould dans une étude synthétique au titre qui tient lieu de programme, de nouveau le devant de la scène.
L’auteur fait le point sur la polémique actuelle, et sa longue histoire, en examinant longuement les positions du Vatican vis-à-vis de la théorie de l’évolution, et son accueil de tout temps controversé aux Etats-Unis. Controverse qui culmina, en 1925, par le fameux « procès du singe » au cours duquel un enseignant de Dayton (Tennessee), poursuivi par les créationnistes, fut condamné pour avoir enseigné la théorie de l’évolution.
Il montre également, en s’appuyant sur une impeccable documentation, combien les anciennes thèses créationnistes, et celles plus récentes du dessein intelligent, trouvent désormais des relais en Australie et un peu partout en Europe. L’existence de lobbies créationnistes, des deux côtés de l’Atlantique, redonne force à un débat que l’on croyait enterré et qui s’est soldé par l’adoption pure et simple de la théorie de l’évolution.
Ce renouveau donc s’appuie désormais sur les thèses du dessein intelligent. Il s’agit d’une version améliorée et prétendument scientifique du créationnisme, qui prétend remettre en question les théories de Darwin sur l’évolution des espèces. Toutefois, les partisans du dessein intelligent mènent une offensive contre Darwin qui s’avère bien plus subtile que celle de leurs devanciers. Selon ses tenants, la vie sur terre serait si complexe qu’elle ne pourrait provenir que d’un esprit supérieur, un « designer intelligent » qui pourrait être Dieu ou une force surnaturelle : voyageur temporel, extra-terrestres… Des universitaires reconnus aux Etats-Unis, biologistes, mathématiciens, astronomes, lui ont apporté une certaine crédibilité.
La position sur ce débat de Jacques Arnould, dominicain, théologien et historien des sciences, n’est pas tranchée. Il ne s’agit pas, selon lui, de choisir entre Dieu et Darwin, mais de concilier la foi et la raison, étant entendu que l’espèce humaine ne peut se passer ni du labeur des scientifiques ni de la croyance religieuse.
L’auteur stigmatise à la fois le caractère dogmatique et intégriste du créationnisme, qui se refuse tout autant à une critique littéraire de la Bible qu’à une critique scientifique des données géologiques ou paléontologiques. Mais il critique aussi une certaine forme de scientisme. Sur ce terrain, il ne devrait y avoir pour lui ni vainqueur ni vaincu, mais seulement, à la manière des universités médiévales, une dispute entre acteurs, dont l’objet serait le sens de la vie et de l’existence humaine. Or, à en croire Jacques Arnould, nous en sommes loin. L’opposition entre le fanatisme religieux et un scientisme tout aussi dogmatique, prétendant détenir lui aussi la vérité sur le sens de l’humanité, constitue un danger potentiel à l’heure où « les sociétés occidentales ne se contentent plus de la séparation, héritée de l’époque moderne, entre le « pourquoi ? », réservé à la religion, et le « comment ? », réservé à la science ».
Samuel Blumenfeld, Le Monde du 9/1/2007.